Cuisine (koukhnia)



Vestiges


Plan de la cuisine

Lieu essentiel pour la vie du camp, la cuisine a une taille relativement importante. Elle comprend six pièces. C’est dans la grande pièce centrale (B6-2) que l’on prépare la nourriture, cuite dans trois cuves chauffées par trois foyers contigus. Les foyers sont alimentés en combustible depuis un étroit corridor (B6-3), où est probablement entreposée une réserve de bois.

Il est difficile de déterminer la fonction des autres pièces, mais l’on peut imaginer que les pièces B6-4 et B6-5 servent d’entrepôts pour la nourriture. La pièce B6-1 comporte deux petites ouvertures carrées, situées 130 cm au-dessus du sol et dotées d’un rebord, l’une donnant sur la pièce principale B6-2, l’autre sur l’extérieur. Par ces guichets, la nourriture est distribuée aux prisonniers qui attendent à l’extérieur. Les zeks prennent probablement leurs repas dans un réfectoire situé à côté de la cuisine.


Retrouvons Vadim Gritsenko et l’étudiant suisse Mathieu à l’intérieur de la cuisine. Traduction Eric Hoesli. Entretien enregistré le 16 Août 2019




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La cuisine vue de l’extérieur
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La cuisine vue de l’extérieur
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Les trois cuves en métal et la paroi en bois qui sépare B6-2 de B6-3.
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Le poêle effondré qui séparait B6-4 de B6-5.
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Dans la pièce B6-1, les deux guichets permettant de distribuer la nourriture aux détenus.
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Vue drone de la cuisine, façade sud
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Façade est de la cuisine ; à gauche, les restes d’un bâtiment effondré, peut-être le réfectoire







Témoignages


En raison de la nécessité d’achever la construction du projet 501-503 rapidement, les prisonniers étaient nourris copieusement. Néanmoins, la qualité et la quantité de la nourriture ne font pas l’unanimité au sein des témoignages rapportés ci-dessous.


Alexeï Pavlovitch Salanguine, ancien prisonnier sur le projet 503

« Au début dans les tentes, ils nous nourrissaient mal. Même sur la kacha, ils étaient pingres. Mais plus tard, la nourriture est devenue bonne. »
(Projet N°503 (1947-1953) Documents. Documentation. Recherches., Fascicule 1, p.52)


Margarita Mikhaïlovna Solovieva ancienne organisatrice culturelle sur le projet 503

[Interview mené par l’historien Vadim Gritsenko]

V. G. : De nombreux renseignements nous amènent à penser qu’à cette époque l’on nourrissait mieux les prisonniers du chantier 501 que les simples travailleurs libres se trouvant à Salekhard même. Est-ce bien le cas ?
M. S. : Vous savez je ne peux pas dire où la nourriture était meilleure. Que dans le camp il n’y avait rien à bouffer et qu’ils nourrissaient les prisonnières de gruau et de tomates séchées, ça oui… […] Jusqu’à ce jour, je ne peux oublier ces tomates séchées. C’est comme si elles étaient encore en moi. En gros, ils faisaient une soupe de gruau qu’ils assaisonnaient de tomates séchées. Je ne peux pas dire que la nourriture était bonne. Les gens mouraient de faim. On nourrissait les femmes avec de la lavasse, ils ne donnaient pas de viande. »
(V. N. Gritsenko, Le Yamal du Nord sous Staline, p. 131)


Vassili Dmitrievitch Bassovski, ancien prisonnier sur le projet 503 (Goulag d’Igarka puis d’Ermakovo)

« Ils nous nourrissaient très bien : 900 grammes de pain par jour, une grande tasse de kacha, essentiellement à base d’orge, ou quelque chose d’autre. Il n’y avait pas d’assaisonnements particuliers, mais ils nous nourrissaient copieusement. Si tu remplissais la norme à 150%, ils ajoutaient du porc, du jambon, du saucisson. »
(Projet N°503 (1947-1953) Documents. Documentation. Recherches., Fascicule 2, p.127)


Pavel Mikhaïlovitch Rogov, ancien gardien sur le projet 501

« Mais le chien lui se portait bien. Les soldats lui faisaient cuire de la bouffe. Il y avait quelques-uns de ces chiens au chenil, ainsi qu’un maître-chien et un cuisinier qui leur préparait à manger. La norme quotidienne s’élevait à 400 grammes de gruau et 23 grammes de beurre. Il en ressort que les chiens recevaient plus de nourriture que les soldats. »
(V. N. Gritsenko, Le Yamal du Nord sous Staline, p.129)